Il y a 5 ans, j’ai créé un groupe Facebook pour regrouper un maximum de personne acceptant d’organiser une petite fête surprise à l’occasion du départ à la retraite de mon instituteur de 6e primaire… Sauf que j’étais 5 ans en avance… Malgré tout, le groupe est resté ouvert, de nouvelles personnes se sont rajoutées, dont mon instit de 5e primaire qui a été ma meilleure complice.

La surprise s’est passée ce vendredi. 37 ans de carrière dans l’enseignement, 37 classes d’élèves tous différents les uns des autres. Ma complice m’a avoué qu’ils ont dû se battre de l’intérieur avec la directrice pour obtenir le droit d’organiser quelque chose. Ils ont eu gain de cause à force d’arguments, ils ont fait appel à un brasseur pour les boissons et les ont vendues au prix des fêtes d’école. Les bénéfices seront entièrement remis à l’invité d’honneur du soir pour bien commencer son départ à la pension.

J’étais triste parce que dans l’organisation de l’intérieur, ils ont prévus de commencer à recevoir les gens à 16h et l’arrivée de l’instit a été fixée, avec la complicité de son épouse - également instit dans cette école depuis de longues années - à 17h. J’ai eu fini le boulot à 18h. Le temps de passer chercher ma fille et ma sœur, je n’ai su être présente qu’à 19h. J’ai donc raté son arrivée, un slow dansé avec son épouse, le discours de la directrice et le passage de plusieurs anciens instits et élèves déjà partis avant que je n’arrive.

Malgré tout, ça a été une soirée riche en émotions, tant par le fait de retrouver tous ces anciens que de me retrouver là, dans cette cours d’école qui a bercée toute mon enfance. Revoir les visages des instituteurs, avoir du mal à reconnaître certaines personnes. Se rendre compte qu’untel ou unetelle a un jour eu le qualificatif de "meilleur ami" dans mon esprit alors qu’à l’heure d’aujourd’hui, on n’avait rien à se dire. Revoir les parents des autres. Mais pas les miens. Voir ma sœur fondre en larme dans leurs bras - à l’instit et sa femme - submergés tous les trois par l’émotion d’une lettre qu’elle leur adressait. Voir l’épouse me tenir par les épaules, les yeux brillants des milles émotions et me remercier mille fois d’avoir fait ça, d’avoir eu cette attention. Je n’ai rien fait d’autre que créer un groupe Facebook. Le reste, les gens présents, l’organisation, la mise en place, l’argumentation, les idées, tout ça, ce n’est pas moi.

Le voir lui, cet homme qui m’a apporté tellement plus que de la matière, cet homme qui m’a soutenue en silence dans la première des plus difficiles années de ma vie, cet homme qui m’a aussi tellement remerciée.

Et puis cette autre instit, la complice. Quel bonheur de les revoir tous.

D’autres situations m’ont scotchées sur place, mais j’ai été prise de cours. Il y a tous ces gens qui ne m’ont plus dit bonjour depuis 10 ans alors qu’on se croisait certaines fois régulièrement… Et qui sont venus vers moi tout naturellement : "Oh ! Malika ! Quel plaisir de te revoir, ça fait tellement longtemps !" J’ai souris bêtement sans rien dire, alors que les pensées bouillonnaient… "Ça doit faire trois mois, peut-être quatre ? Sauf que dans un décor différent, tu n’as jamais pris la peine de te rappeler qui j’étais !" Et puis cette fille ! J’ai HA-LLU-CI-NÉ ! La dernière fois que j’ai voulu lui dire bonjour, il y a PLUS DE DIX ANS, elle a reculé sa tête et m’a lancé un humiliant "On se connaît ?!" Je n’avais pas compris pourquoi, je n’ai jamais compris ! Depuis, on s’est croisées des dizaines de fois en faisant mine de ne pas se connaître, on a pris le bus ensemble des dizaines de fois en n’échangeant que des silences et des regards d’indifférence. On était même parfois accompagnées des mêmes groupes de personnes, mais rien ne se passait entre nous. Je l’ai encore croisée il y a tout au plus un an, dans un magasin de sport. On s’est croisées plusieurs fois dans les rayons : INDIFFÉRENCE ! Et là, vendredi, j’arrive (après pas mal de monde), je la vois, je me dis : "Oh non, pas ELLE !" et ne voilà pas qu’elle se jette dans mes bras en feignant une joie incommensurable de me retrouver ! J’étais scotchée, HALLUCINÉE ! J’ai esquivé ses conversations et sa présence toute la soirée en évitant qu’un froid ne se ressente parmi les autres et puis elle m’a serrée dans ses bras avant de s’en aller en promettant qu’elle allait me rajouter sur Facebook parce qu’il ne fallait pas qu’on se perde à nouveau de vue, bla-bla-bla… Non, mais c’est quoi ce délire ?!... Elle ne m’a toujours pas rajoutée… Je suis partagée entre "je suis soulagée" et "je suis outrée"... Soulagée qu’elle ait "oublié" de me rajouter. Outrée d’avoir assisté à une scène d’hypocrisie aussi invraisemblable que celle là !

Malgré cela, ça a été une soirée merveilleuse et mémorable qui, je pense, restera ancrée longtemps dans la mémoire de cet instit qu’on a tous aimé à notre manière… Et finalement, même si je n’ai fait que de créer ce groupe il y a 5 ans, je suis fière de cette démarche et de son résultat !

Bien à Vous.

Malika