Malika Intimity...

Celui d'avant. Celui d'après.

Les Tableaux.

Celui d’avant. Celui d’après.

C’est "le devoir" que m’a donné le psy. J’ai encore beaucoup parlé famille. Famille et passé. Et j’ai utilisé le terme "tableau", il l’a saisi et me l’a renvoyé : "Imaginez une représentation de ces deux tableaux."

Et donc.. Celui d’avant. Celui d’après.

Celui d’avant.

Une famille simple, mais heureuse. Une tâche au tableau, déjà. Une souffrance vécue, mais tue, de tous. On n’en parlait pas. Ou on en parlait peu. Mais c’était partout, ça faisait écho contre les murs quand le silence prenait le dessus. On avait vécu une épreuve difficile. Tous les quatre. C’était surtout nous, les filles, en fait. Mais ils en souffraient peut-être plus que nous. Ils en souffraient avec une souffrance d’adultes et de parents et tout ce que cette souffrance implique, génère. La culpabilité, l’angoisse, la paranoïa, la peur, la stupeur, l’effroi, même… Ils s’en voulaient de ne pas avoir vu. Je crois que ça a peut-être été le premier coup donné à l’équilibre de cette famille. Mais on était bien, on vivait une douce routine agréable. Ils se disputaient parfois. On pleurait en les suppliant de ne pas se disputer, alors ils redescendaient le ton tout en continuant la conversation après nous avoir rassurées : "On ne se dispute pas ! On discute..." On sortait, on allait rendre visite à nos oncles, tantes et autres de leurs amis. On riait. On chantait. On parlait. On questionnait. On découvrait. On inventait. On imaginait. On s’aimait. Tous. Tout le monde aimait tout le monde. Parce que c’est comme ça que ça doit se passer. C’était normal, mais tellement divin. C’était un tableau lumineux, coloré. Une tâche. Une seule.

La charnière. Parce que les tableaux sont liés. Parce qu’avant Celui d’après, il y a ses causes. La reprise d’un commerce. La chute libre. Plus le temps pour la douce routine, pour les croissants du dimanche matin, pour le câlin du soir, pour les sorties, pour les visites. Plus le temps de rire, de chanter, de parler, de questionner et de répondre, de découvrir, d’inventer, d’imaginer. À peine le temps de s’aimer et de plus en plus de temps pour se disputer. Ils étaient dépassés. On n’était plus des bébés, ma sœur et moi. Alors on s’occupait du bébé et de nous en même temps. Tout avait déjà radicalement changé, mais on ne s’en rendait pas compte. L’insouciance des enfants… On se laissait vivre sans oser regarder la réalité en face. Notre équilibre se faisait la malle et on n’osait pas le voir.

Celui d’après.

La séparation. Le divorce. Les noms d’oiseaux qu’on recevait pour eux. Facteur. Balle de tennis. Aller, retour, aller, retour.. BAM ! BAM ! BAM ! Chaque renvoi de balle était toujours un peu plus douloureux, humiliant. Ton père.... Ta mère..... Argent. Garde. Haine. Nous. Nouveaux arrivants : un beau-père, une belle-mère. Un poivrot, pervers, manipulateur. Une ignare, psychologiquement instable, nymphomane, mythomane, kleptomane… Tarée-Woman ! Une bulle. Ma bulle. Je me réfugie. Je suis une bulle au milieu du tableau. Je me fige. Je me perd avant même de m’être trouvée. Je canalise mon attention en lisant, en écoutant de la musique, en écrivant, en pensant. En m’arrachant les cheveux. Puis les poils. En grattant des boutons. En écrivant, encore, toujours. En pleurant. Je prends les coups. Je pleure dans ma chambre. Je souris partout ailleurs. Ou presque. Un tableau sombre. Vide de lumière, vide de nature, pas de vert, pas de bleu, pas de répit… Les membres de ma famille - et leurs greffons - sont dispersés sur les côtés, très éloignés les uns des autres. Je suis la bulle. Je suis au centre. Leur haine se répercute sur moi là où je n’attendais, où je n’espérais que la sérénité…

Bien à Vous.

Malika