Malika Intimity...

TS

Je suis fatiguée.
Dans la tête.

Il y a toujours un nouveau coup asséné pour faire retentir encore l’écho des précédents. J’avance en sachant qu’il n’y a que ça à faire, que le bonheur est ancré un peu partout, qu’il faut le saisir dans l’instant, le vivre et le laisser s’en aller pour attraper le suivant. Parfois, (...souvent ?) le malheur s’impose. Il vient sans se faire prier. Il retentit tout seul, sans rien demander à personne. Les bonheurs s’éloignent un peu, un temps. Parce que le malheur, c’est de l’ombre. De l’ombre qui obscurcît tout le reste alentour.

Aujourd’hui, ce soir et depuis ce matin, il y a de l’ombre.

Il va mal. Tellement mal. Il a peur. Tellement peur. Sa vie est un univers dans lequel le bonheur est tellement floue. La survie, la galère, les coups de la vie, toujours les coups.

Je me "plains" souvent, finalement, en décrivant ici tout ce qui me ronge. Je pleure mes souffrances seule avec mon ego, et vous.

Et lui.. Lui que je ne comprends pas, tout en étant consciente du poids de sa vie. Mon petit frère. Ce jeune homme. Ce petit bout de 8 ans mon cadet, qui, du coup, restera toujours un peu l’enfant dans mon cœur. Lui, il souffre tellement fort qu’il ne trouve aucun mot. Je crois que sa souffrance ne se nomme pas, alors elle le ronge.

Il fait comme moi. À sa manière. Il se fait mal, je l’ai appris aujourd’hui. Il a les bras couverts de scarifications. Le ventre aussi. C’est pire. C’est plus douloureux encore.

C’est son ex copine qui nous a prévenues. On est allées jusque chez lui en imaginant simplement un cinéma. Il a fini par envoyer un message en disant avoir "juste" avalé deux plaquettes d’anti allergique. Il n’a pas d’allergies. Son médecin lui avait prescrit ça parce que l’effet secondaire principal est un effet de somnolance… Cela évitait de lui mettre des médicaments trop "puissants" dans les mains.

Il est venu nous ouvrir… Il est remonté sans même nous regarder. J’ai du mal à revivre cette scène. C’est un de ces malheurs qui s’imposent et obscurcissent tout le reste. Un poids. Une fatigue. Un silence étouffant. Une crainte. Une terreur, même. Encore le silence et puis la violence. Là où j’espérais pouvoir le libérer un peu de ses douleurs, juste en étant là, en le serrant dans mes bras, en lui caressant l’epaule, en lui murmurant « Chut, je suis là. On est là. Viens, on te tend la main, viens...», il s’est terré plus encore dans ce torrent sans nom qui sévit en lui, dans son âme, dans son coeur. Et l’a exprimé dans la violence. Il ne voulait pas de notre aide, pas de nous, rien, personne. Il voulait la paix. Dormir. La paix. La paix. ... Il l’a répété quelques fois.

J’ai contacté son médecin et lui ai exposé la situation. Rien de grave, m’a-t-il rassuré… Il savait, donc, pourquoi il ne lui avait pas prescrit de somnifères purs et durs. Il savait qu’il pourrait. Qu’il pourrait faire ça. Ce geste de détresse totale. Ce cri dans le vide. Cet ultime hurlement avant de se laisser sombrer.

Il a fini par se calmer, se relever. Dire qu’il était désolé. Qu’il n’avait pas voulu se tuer, qu’il voulait dormir. Juste dormir. Il pleurait un peu. Juste un peu. Il nous a serrées dans ses bras. Dans ses grands bras. Mon petit frère tout mince, tout grand. Son étreinte m’a fait mal. Tellement mal. Mal dedans. Jamais personne ne m’avait étreint aussi fort qu’il ne l’a fait aujourd’hui. Il s’accrochait de toutes ses forces, de toute son âme, de tout son coeur et de tout son désespoir à moi. À nous.

Et on est parties, parce qu’on ne peut pas l’interner d’office, qu’on ne peut pas le forcer, que les médicaments, ce n’est pas grave. On n’a pas appelé d’ambulance, parce qu’il aurait refusé de monter dedans, il serait rentré dans cet état de rage qui l’emporte, parfois, et n’aurait rien voulu entendre. Il a tellement mal dedans que la moindre émotion est un uppercut pour lui, un uppercut qui lui fait perdre tous ses moyens, toute la souffrance qui le consume de l’intérieur prend le dessus sur lui. Alors on est parties. On doit en reparler demain, avec ma sœur. Avec lui. Il doit voir un psychiatre. Il a peur, mais il est d’accord, mais il a peur…

Je suis désemparée. Je ne sais pas à quelle porte frapper. J’ai peur. Je l’aime. Je ne sais tellement pas lui dire.

Bien à vous.

Malika