Malika Intimity...

Messages vocaux...

Lundi, c’était ma grand-mère. Je ne répond jamais. Je m’en fous. On en pense ce qu’on veut, je m’en fous aussi. Tout est trop complexe. J’ai passé la majeure partie de ma vie à m’accrocher à des liens que je m’inventais pour tenir le cap. Je lui avais inventé un lien, à elle. Et puis elle est revenue vivre près de nous et j’ai pris conscience qu’elle s’en foutait. Que son humeur maussade était plus due à sa nostalgie de là-bas qu’à notre désintérêt. Le désintérêt, d’ailleurs, c’est elle qui le nourrissait. En se comportant en vieille mégère rabougrie, elle nous éloignait. Il paraît que maintenant qu’elle est rangée dans un home, elle chiale après nous. "Mes petits-enfants ne veulent pas me voir… Bouhouhouhou..."

J’ai l’air sadique. Je me sens sadique, en écrivant les choses comme ça. Mais elle s’en est toujours foutu. De nous ET de ses enfants, surtout… Elle pleure aujourd’hui parce que c’est tout ce qui lui reste. Mais sait-elle à quel point on a pleuré, nous ? On a pleuré une grand-mère dont on ne savait rien. J’aurais préféré continuer à ne rien en savoir…

Bref. Elle m’a appelée. Je n’ai pas répondu. Elle m’a laissé un message vocal. Je n’ai pas écouté. Ouais, je m’en fous royal, mais jusqu’au bout. Je crois qu’un jour, j’ai écrit ici que je ne regretterai d’elle que ce que je n’en ai pas connu plutôt que ce que j’en ai connu, le jour où elle partira. Le jour où elle mourra, appelons un chat, un chat… Et bien c’est toujours mon idée…

Quelques minutes après, elle m’a rappelée. Là, enfin, ça m’a alarmée, alors j’ai répondu.

- Allô, Mamy ?
Avec une voix de vieille rabougrie…
- Allô, ma chérie ? Comment vas-tu ?
Sans que je n’aie eu le temps de répondre à cette question hypocrite, elle enchaine :
- Et la petite ? Elle va bien, la petite ?
- Oui, Mamy, on va bien. Je commence à me sentir mieux. Elle grandit. Et toi, comment vas-tu ?
Elle évite la question et va droit au but :
- Dis, ma chérie, faudrait que tu dises à ta mère d’arrêter ses conneries, hein…

Alors c’était ça, l’idée ? La mère de ma mère qui appelle sa petite-fille pour lui demander de jouer à la mère… ?! ! Hum… Cherchez l’erreur... !

J’ai répondu de façon évasive, en sentant ma tension monter et mes nerfs se contracter.

- Mais, tu veux que je dise quoi ? Que je fasse quoi ? Je sais, Mamy. Je la connais, ma mère. Je n’ai pas de prise. J’en ai déjà parlé avec elle. Je lui ai dit de se prendre en main…

En réalité, j’ai surtout eu envie de lui rappeler, au passage, que LA mère, la "matriarche" (je sais pas si ça se dit, OSEF...), c’était ELLE. Mais de toute façon, c’était peine perdue, alors je l’ai fermée…

Hier soir, ma mère m’a appelée (bourrée morte… Ca coule de source...). Je n’ai pas répondu. Elle m’a laissé un message vocal. Je l’ai entendu cinq heures après. Dans les grandes lignes :

"Bonjour ma chérie, c’est Maman. J’ai entendu dire que tu avais été choquée de me voir avec un verre dans le nez, l’autre jour - un VERRE DANS LE NEZ ? ! Merde, t’étais déchirée, Maman ! Tu tenais plus debout ! -, mais ça arrive et ça arrivera encore. Je suis désolée si ça t’a importunée. Si tu décides - Là, j’entends clairement sa voix se briser dans les sanglots... - que tu ne veux plus me parler, ben… Ben Adieu..." - Le "Adieu" etait plus brisé encore que le reste de la phrase..

Et elle raccroche. Une minute après, elle a laissé un autre message vocal, complètement en larmes, cette fois.

"Oui, c’est toujours ta mère… J’ai oublié de te dire que je t’aime..."

Je l’ai entendu cinq heures après, donc. À 23h30. Je lui ai envoyé un SMS disant que je l’aimais, qu’il ne serait jamais question de ne plus lui parler ou d’adieu, qu elle était ma mère et que ça surpassait tout… En gros, c’était ça…

Elle m’a répondu "Moi aussi" ce matin.

J’en ai marre des émotions qui me submergent. Ça remet tout en doute. Si je reprend des études pour les trois années à venir, je n’aurai pas le droit à l’erreur. Mais si ces émotions continuent à affluer ? Je n’y arriverai pas ! Et j’ai peur…

Je ne sais plus si je l’ai dit. J’allais la voir vendredi pour lui annoncer ma décision de reprendre les études. Elle ne le sait toujours pas. C’est con. Mais ça fait mal. J’en ai marre, d’avoir mal aux autres…

Bien à Vous.

Malika