Malika Intimity...

Les gens me touchent...

Chaque jour, nous croisons quelque part des personnes qu’on ne connaît pas. Certaines qu’on n’avait jamais vues et qu’on ne reverra certainement jamais. D’autres qu’on croise régulièrement, dont les traits nous deviennent familiers au fil du temps, mais qu’on ne connaît pas pour autant. D’autres qu’on a connues à une autre époque, qu’on fuit systématiquement du regard parce qu’on sait que se dire bonjour et se demander "Comment ça va depuis tout ce temps ?!" ne rimera à rien. Parce qu’on s’en fout. Ou qu’on sait qu’elles s’en foutent…

On regarde les gens. On se demande à quoi ils pensent ? Qu’est ce qui les tracasse ? Qu’est ce qui les pousse à travers les foules ? Pourquoi ce regard en coin ? Pourquoi ces cernes ancrées dans leurs traits ? Pourquoi ce pas pressé ? Et puis certains sortent du lot, volontairement ou malgré eux.

Les volontaires, ce sont ces gens extravagants qu’on ne peut pas rater, même au centre du plus grand rassemblement populaire de l’année. Ce sont ces filles qui portent des mini-jupes qu’on pourrait prendre pour des ceintures larges, des tops qu’on pourrait prendre pour des vêtements d’enfant et des cuissardes aux talons vertigineux. Ce sont ces gars qui se promènent en faisant gueuler une musique assourdissante à l’aide d’un mini baffle High Tech du fond de leur poche ou de leur sac à dos.

Les autres… Les autres sont souvent beaux. Il y a ces gens qui dégagent quelque chose sans s’en rendre compte. Ces garçons sur qui toutes les gonzesses se retournent et vice versa, sans qu’ils/elles ne le provoquent par un accoutrement de clown ambulant. Il y a ces couples, hors du commun, dont on peut percevoir à travers la foule qu’ils sont à part. Qu’ils sont ailleurs, que pour eux, cette foule n’est que transparence, ils sont leur propre foule, leurs seules émotions.

Il y a ces personnes âgées qui avancent seules, avec un chien bien souvent presque aussi âgé qu’eux (si on multiplie par 7, comme le dis la légende...) qui traine au bout d’une laisse qui ne sert plus qu’à donner l’illusion d’un lien. Ces personnes au regard vide et fatigué, trop plein de connaissances, d’anecdotes, de récits, d’apprentissages, de constatations, de révolutions, de tristesses, de douleurs, de pertes, de déceptions, de soulagements, de désillusions… Ces personnes qui savent que plus rien ne peut les surprendre, qu’ils ont fait le tour de tout, que la seule chose qui les tiens encore vraiment en vie, c’est cette laisse animée qui les oblige à se relever du fauteuil pour ne pas que le vieillard de l’autre côté de la laisse se soulage sur leur tapis.

J’ai croisé un couple hier. Ils marchaient main dans la main. Ils sortaient du lot. Elle mangeait une énorme barbe à papa. Il la regardait tendrement lorsqu’un morceau de sucre soufflé est venu se coller contre sa joue. Il s’est alors retourné pour être face à elle et s’es mit à marcher à reculons par ne pas perturber son élan à elle. Il a souri de toutes ses dents et tout en douceur, a retiré le petit nuage rose de sa joue. Elle a rougit et souri à son tour… Et puis ils sont sortis de mon champs de vision. Je ne me souviens même plus de leurs visages. Juste des gestes. Des émotions. De la tendresse et de l’amour profond qu’ils dégageaient.

Plus loin, à la terrasse chauffée d’un tea room, j’ai observé un couple de petits vieux qui se regardaient sans un mot. Pendant au moins 30 minutes, puisque c’est le temps que j’y suis moi-même restée, ils n’ont rien dit, mais ils ne se quittaient que rarement du regard. Cet amour intemporel, qui traverse tout. Même s’ils se sont tout dit, ils sont là, ils s’aiment, l’amour brille dans leurs yeux. De temps en temps, sa main à lui se posait délicatement sur sa main à elle et un sourire synchro éblouissait leurs deux visages…

Les gens me touchent. Au quotidien. Je les regarde, je m’imagine leurs vies, je m’imagine leurs liens et parfois, leurs gestes m’éblouissent.

Bien à Vous.

Malika