Malika Intimity...

Cette vérité...

Je reviens vers vous. Parce que, vous, vous comprenez, vous, vous ne jugez pas. Vous êtes là.
Je n’ai donc plus de père… J’ai essayé de l’appeler, le 15 janvier pour lui dire que ça y était, que j’avais fini mes examens, que je pensais venir le voir le dimanche… Mais il n’a pas répondu. Je sentais bien que quelque chose n’allait pas, que quelque chose se présageait… Je n’ai donc pas insisté…

Il m’a rappelé quelques minutes après, j’ai eu une lueur d’espoir, l’espoir que je me trompais, que rien de négatif ne se présageait… Alors j’ai répondu :

- Bonjour Papa !
- Tu as essayé de m’appeler ?
- Oui...
- T’es une folle ! Tu pues le E. ! Je ne veux plus te voir tant que tu es avec ce trou du cul ! Ce sous-homme, c’est clair ?!
- Au revoir Papa…

Et il a raccroché…

Voilà… Huit phrases… Quarante mots… Quatre insultes… Six mots, pour ma part… Et plus de père… C’est dingue ? Vous pensez que c’est dingue ? Je pense que c’est dingue… Je pense qu’il est dingue… Le pire, c’est que je ne comprends pas…

J’ai écrit. Juste après. Je lui ai écrit. Mais je ne lui enverrai pas. Il n’en vaut pas la peine. Il ne lirait même pas. Je suis persuadée qu’il déchirerait la lettre aussitôt qu’il se rendrait compte qu’elle vient de moi. Alors, je ne l’enverrai pas.

J’en ai parlé à quelques personnes, dont ma sœur. Elle a eu les mots juste. Des mots dont j’étais consciente, mais que j’occultais. Des mots lourds, mais tristement vrais.

Elle a commencé par me citer tout une série d’adjectifs pour le définir. Con. Obtu. Borné. Primaire. Orgueil surdimensionné. Incapable de se remettre en question. Incapable de remettre en question sa perception du monde… Et j’en passe…

Ensuite, parmi ses mots, il y avaient ceux-ci : "Malika, t’a-t-il seulement déjà consolée ? Rassurée ? Valorisée ? T’a-t-il dit qu’il était fier de toi ? Qu’il te soutenait ? T’a-t-il donné l’opportunité de faire des études ? S’est-il déjà intéressé à tes projets, tes ambitions ?"

Et là… Ma gorge s’est serrée… En vrai, en vrai, je le savais, tout ça. Je savais qu’il n’était pas cet homme-là, ce père-là… Mais je l’occultais. Je m’accrochais à mes bons souvenirs… Et quand je les analyse, ces bons souvenirs, ils ne sont que des instants d’humour. Toujours de l’humour. Des blagues graveleuses ou débiles. Des fou-rires, certes mémorables, mais seulement ça. Pas de câlin, pas de tendresse, pas de mots rassurants, pas de larmes séchées… Il n’a su que les amplifier, me rappeler que pleurer, c’était ridicule, que ça ne menait à rien…

J’ai un seul et unique souvenir de tendresse avec mon père. Un seul. Et pour tout vous dire, c’est une anecdote que je lui ai imposée… Parce que j’avais bu du vin, çe soir-là. J’avais quinze ans et j’avais bu du vin et on n’était que tous les trois, lui, le petit frère et moi. Alors je me suis installée sur ses genoux, complètement enivrée, je lui ai fait une crise d’alcool débile, et là, désemparé, il m’a répondu que lui aussi m’aimait, etc., etc.,... Pour dire vrai, étant donné que ce souvenir est étouffé dans les brumes de l’alcool, c’est à peu près tout ce qu’il m’en reste… Et voilà. Juste ça. Ca, ou des reproches. Des reproches. Des reproches.

Pleurnicharde, gamine, trop fragile, trop émotive, trop naïve… Toujours trop ou pas assez… Mais jamais bien, jamais assez bien…

Alors, franchement, je perds quoi ? Si ce n’est une illusion ?

Le plus difficile pour moi, c’est pour ma fille… Comment dit-on à une petite fille de 3 ans et demi que son grand-père ne veut plus nous voir et qu’on n’a aucune autre explication que sa connerie ? Comment on explique la connerie des grands débiles aux petits innocents ?

Je ne veux pas lui mentir, mais comment dire la vérité ? Comment assimile-t-on ce genre de vérité injuste et infondée, quand on a 3 ans et demi ?

Parce que moi, franchement, même si l’incompréhension s’impose, qu’elle me pèse, ça va…

Bref, voilà, vous avez les détails…

Bien à Vous.

Malika