Malika Intimity...

Brouillon d'une orpheline qui ne l'est pas tout à fait...

Si je devais t’écrire, après réflexion… Je ne sais pas par où commencer… Je ne comprends pas ce que tu me reproches et pourtant, je suis consciente d’avoir eu des torts. Les torts de ne pas trop me manifester, de vivre ma vie, de laisser la distance prendre sa place… Mais, ET TOI ?

Et toi ? Quel était l’intérêt de faire des enfants ? Comment envisageais-tu ta vie quand tu avais 20 ans et que tu as appris que tu allais être père pour la première fois ? Au fond de toi, je veux dire… Avec tes émotions, tes sentiments ? Parce que même si tu ne les exprimes jamais, tu ne peux pas ne pas en avoir, personne ne peut ne pas en avoir… Alors qu’as-tu ressenti ? De la peur ? De la joie ? Du doute ? Étais-tu heureux face à cette nouvelle réalité, face à ce changement dans ta vie ? Et quand elle est née ? Étais-tu heureux ? Profondément heureux ? Comment as-tu vécu ton rôle de père, comment l’as tu appréhendé ?

Et la deuxième fois ? Quand c’était à mon tour de bientôt arriver dans ce monde ? Qu’envisageais-tu ? Cette question tourne sans cesse dans ma tête : qu’envisageais-tu ? Quels rêves, quelles envies avais-tu ? Quelle famille imaginais-tu ?

Et la troisième fois ? Quand, selon ce que je pense, selon ce que je me souviens, tout allait pour le mieux ? Qu’envisageais-tu ?

Et la quatrième, cinquième fois ?

Parce qu’aujourd’hui, trente ans après le premier enfant, plus rien n’existe, plus rien ne vit, plus rien n’est concret…

Quel père es-tu, papa ?

Ma sœur m’a demandé si tu m’avais déjà consolée, si tu m’avais déjà rassurée, si tu m’avais déjà valorisée. Je cherche, mais je ne trouve pas de réponse positive à ces questions et je te jure que ça me fait mal, encore plus mal que tout le reste. Non, tu ne m’as jamais consolée. Pourquoi ? Avais-tu peur de mes larmes, de mes craintes ? Avais-tu mal de mes maux ? N’étais-tu pas assez fort, pas assez armé ? Ou n’en avais-tu juste rien à foutre ? Non, tu ne m’as jamais rassurée. Tu ne m’as jamais dit que la vie était belle, tu ne m’as jamais dit que j’allais avoir une belle vie. Non, tu ne m’as jamais valorisée. Ou si peu que je ne m’en souviens pas…

Quand j’ai analysé ces questions, j’ai eu mal. J’ai eu très mal. Mal parce que je n’avais jamais regardé les choses sous cet angle. Je voyais les bons souvenirs, les fous rires, les instants simples… Mais je ne voyais pas les instants de tendresse puisqu’il n’y en avait pas et je ne voyais pas que je ne les voyais pas…

Je ne sais pas quoi te dire. Je ne sais pas comment me défendre. Je ne sais pas pourquoi me défendre. Ca bouillonne en moi. Ca me retourne. Je crois que ça va, dans le fond, ça va… Parce que tristement, je ne perds pas grand chose, rien de plus que de l’illusion… Mais prendre conscience que tout n’était qu’illusion, qu’espoir, que fantasme… Ca fait mal…

Suis-je orpheline ? Je ne sais pas… Dois-je pleurer ? Je ne l’ai pas encore fait. Je n’y arrive pas. Je ne comprends pas ce que je ressens ou ce que je ne ressens pas. Je ne sais pas.

J’écris dans le vide, j’écris n’importe quoi. Mais j’en ai besoin. Je m’en fous, tu ne liras pas. Tu ne le mérites pas.

Es-tu heureux ? Es-tu comblé ? Es-tu fier de toi ? Considères-tu que tu as réussi ta vie ? Que ton chemin en valait la peine ? En tout cas, il a valu des peines, ça, c’est sûr.

Qu’attendais-tu de la vie ? Qu’attendais-tu de ton statut de père ? Je me répète. Je m’en fous. Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je peux être brouillonne. Ces mots, c’est à moi, pour moi. Pas pour toi ! Tu ne les mérites pas !

A quoi ça rime ? Suis-je orpheline ? Suis-je un électron libre ? Je t’ai toujours porté en héros. Pourquoi ? Sur base de quoi ? Suis-je conne ?

Qui es-tu ? Je ne te connais même pas. Est-ce que quelqu’un te connait vraiment ? Je ne sais pas…

Avais-tu un idéal d’enfant que nous n’avons pas réussi à être ? Es-tu déçu des enfants que nous avons été ? Que nous sommes ? Regrettes-tu ? Regrettes-tu d’avoir donné la vie ? Qu’attendais-tu ? ! Qu’avons-nous mal fait ?

Et ta petite fille ? Tu semblais si heureux ? J’ai vu ta fierté, j’ai cru qu’enfin, je pouvais accéder un peu à tes sentiments. J’ai cru qu’elle pouvait percer un peu ta carapace de con ! Elle aussi, tu t’en fous ? Où sont planquées tes émotions ? Pourquoi les planques-tu ? N’as-tu pas compris que la vie était courte ? Que ce qu’on en faisait avait de l’importance ? N’as-tu pas compris qu’il fallait entretenir les liens ? Oser en parler ? Oser les resserrer ? N’as-tu pas compris qu’il fallait accepter les différences des autres ? Que n’as-tu pas compris ? Qu’as-tu mal fait ?

Je ne comprends pas. Je ne te comprends pas. Je ne te connais pas. Qui es-tu ?

Ca fait dix fois que je passe à la ligne et que ces mots d’amour, si simples, mais si lourds de sens, flottent dans ma tête sans que je n’arrive à les écrire. Alors j’écris autre chose. Parce que je voudrais clôturer cet écrit qui ne sert à rien, qui ne mène à rien par ces mots d’amour, mais je ne sais pas… Je crois que je ne peux plus. Je ne sais même pas si je les ressens, si je les vis encore vraiment. C’est dingue. Moi qui criais à tue-tête qu’un père, qu’une mère, on en a qu’un et qu’une… Qu’il était inenvisageable de les soustraire à ces mots d’amour… Et là, là… Mes doigts résistent… Ne pas écrire… Ne pas laisser mes doigts glisser sur ces touches, dans cet ordre. Ne pas écrire ces mots d’amour. Trop de peine. Trop d’incompréhension. Trop de déception. Trop.

Je… Oui… Je… à tout jamais… Parce que c’est comme ça, que c’est partout en moi. Que mon sang me crie qu’il est d’abord le tien, que je suis TON fruit… Alors je t'... Mais non, je ne l’écrirai pas. Je ne l’écrirai plus. Plus jamais. Je vais faire comme ça : ces sentiments-là, ils vont crever au fond de moi. Je t'... Papa…

Tout ça est complètement incohérent, n’a ni queue, ni tête… Mais je m’en fous… Ca correspond assez bien au foutoir que tu laisses en moi en étant personne… Parce que c’est ça : sous ta froideur, sous ton avis tranché, obtu, entêté, tu es juste PERSONNE, PERSONNE !! !

Bien à Toi.
Non, cordialement.
Non, RIEN !

Ta fille... Non… Une fille... Non… PERSONNE !