Malika Intimity...

Parenthèse... Papa...

Papa. J’ai eu tellement peur de le perdre. Ca fera un an à la fin du mois d’août qu’Il a eu son accident de voiture. Un an qu’on me l’a annoncé. Un an que j’ai entendu : "Ton Père est dans le coma". Ca résonne dans la tête. On voudrait que ça s’en aille de nos pensées. On voudrait se réveiller.

Et puis on m’a conduit à l’hôpital, pour aller voir Papa, aux soins-intensifs. Je ne veux plus jamais mettre les pieds dans ce service hospitalier. C’est tellement lourd. Tellement douloureux. Il y a toutes ces machines qui font toutes des bruits bizarres. Toutes des bruits différents. Toutes des courbes différentes. Il y a le respirateur qui produit un son ressemblant de très près à la respiration d’un des personnages principaux de l’une des plus grosses œuvres de science-fiction; je cite : Dark Vador ! Il y a le moniteur cardiaque, saleté de machine ! J’avais tous le temps les yeux rivés dessus, retenant mon souffle et analysant la courbe du cardiogramme. Il y avait les alarmes des autres boxes. Et puis tous ces murs blancs et tristes. Tout ce deuil qui pèse dans les couloirs…

Quand je suis entrée dans sa chambre la première fois, mon monde s’est écroulé devant moi. Ca ne pouvait pas être possible ! Pas Lui ! Pas maintenant ! PAPA ! POURQUOI? ! Putain de monde ! Putain de vie !

Je suis tombée bas, très bas, trop bas. La semaine précédant l’accident de Papa, j’ai appris que je n’allais pas être maman. J’étais enceinte. De 3 mois. Ce n’est pas beaucoup. Et puis les fausses-couches, c’est fréquent. C’est "normal". C’est "Parce que la nature est bien faite". Ce n’est pas grave, je suis jeune… J’en ai entendues, des raisons de ne pas me laisser en souffrir. Parlez toujours ! On n’oublie pas ! Même si c’est normal. Même si c’est la vie. Même si ça arrive ! On n’oublie pas ! Ca nous bouffe et ça fait mal !

Et puis toutes ces grossesses autour de moi… Après avoir perdu mon bébé, j’ai appris que deux de mes cousines étaient enceintes. Elles ont accouchés toutes les deux. Leurs bébés sont magnifiques ! Le mien aurait pu l’être. Et ça fait mal !

Bien sûr ça viendra. Mais en attendant, ça fait mal !

Revenons-en à Lui. Mon Père. Mon Papa. L’accident, c’est un peu à cause de Lui. Il se croyait invincible Papa. En même temps, on se sent souvent invincible avant de se rendre compte qu’on ne l’est pas. Il avait une tension explosive Papa. Mais selon Lui, ce n’était pas grave. C’était parce qu’Il était nerveux. Sans doute. Un peu trop.

26 août 2009, 10h30 du matin. Il a quitté sa maison, on ne saura jamais pourquoi. Il ne se souvient pas. Bizarrement, ce matin-là, Il n’a pas fumé de cigarettes (cendriers vides...), Il n’a pas lu son journal (pas de journal...), Il n’a pas bu son café (pas de tasses sales) comme à ses habitudes. Peut-être s’est-Il senti mal et a-t-Il voulu aller à l’hôpital ? Peut-être… On ne saura jamais. Toujours est-il qu’Il est parti de chez Lui et qu’Il a pris sa voiture. Et puis BOUM ! Il allait avoir un AVC, et Il l’a eu. Au volant. Il s’est sans doute évanoui au volant. Il a sans doute lâché son volant et… BOUM ! Heureusement finalement. S’Il était resté chez Lui, Il ne serait plus là. Les "Si" font peur !

Il a été emmené d’urgence au Centre Hospitalier de la région… et la journée a reprit son cours.

27 août 2009, 14h30. Je sortais du cabinet de gynécologie. Je venais d’apprendre que je devais encore attendre presque une semaine avant de me faire opérer. Une semaine avec ce poids dans mes entrailles. Une semaine ENCORE… Ca faisait déjà deux semaines que son cœur avait arrêté de battre. Le cœur de mon bébé. Le cœur du bébé que j’aurais dû avoir. Le cœur de mon cœur… et je devais encore attendre une semaine. On était trois. Il y avait mon compagnon, terriblement blessé par la perte de notre bébé, moi-même et ma marraine. Ma reine. Elle était toujours là quand j’en avais besoin. Elle a toujours été là !

C’est son téléphone à elle qui a sonné. Je me souviens. J’allais mal. Je voulais ne plus me sentir si lourde. Je voulais oublier. TOUT. Maintenant, avant, après. Je voulais me formater la tête… On attendait le bus. Elle a répondu. J’ai vu tout de suite sur son visage que quelque chose n’allait pas. J’entends encore sa voix s’exclamer : "Oh non!"... Oh si…

Je me suis levée, je l’ai regardée et je l’ai questionnée. Quoi ? Que c’était-il passé ? Quelle mauvaise nouvelle ? Elle ne me répondait pas. Par respect, j’ai attendu la fin de sa conversation.

Lorsqu’elle a eu raccroché, je me souviens de ses yeux. Je lisais dans ses yeux qu’elle ne savait pas comment le dire. Je lisais qu’elle avait mal pour moi. Et elle l’a dit. "Ton Père est dans le coma..."

Pause… Le temps n’existe plus. Ces mots résonnent en moi. Plus qu’une résonnance, c’est une explosion. Ils explosent en moi. J’implose. J’hurle. PAPA ! NON ! PAS CA !

J’essaie de vous offrir mes émotions telles qu’elles m’ont broyés l’âme ce 27 août, mais les mots sont faibles.

Il avait "disparu" depuis la veille. Je ne le savais même pas ! Bien sûr, ils n’ont pas voulu me tracasser, ils savaient ce que je venais de vivre… ET ALORS? ! C’est MON PÈRE ! Mais bon… Ils ont voulu bien faire. Ils ne voulaient pas brusquer la pauvre petite malheureuse que je fusse… BORDEL ! C’est MON Papa ! Ils ne pouvaient pas ne rien me dire !

Le 26, lorsque la compagne de mon Père est rentrée, Il n’était pas là. Il aurait dû. Elle avait essayé de le contacter toute l’après-midi, mais Il ne répondait pas, puis son GSM était éteint… Elle l’a attendu une bonne partie de la soirée, sans doute très stressée. Elle l’a cherché aussi, en vain. Elle a fait plus de 100 km pour vérifier tous les endroits où Il aurait pu être… Rien. Nulle part.
L’hôpital lui a téléphoné le lendemain pour lui demander si elle connaissait Monsieur X. ... MON PAPA !

Et voilà, on savait. Il était arrangé Papa. Les premières semaines, les médecins nous disaient de ne pas trop nous faire d’illusions, qu’ils pouvaient le perdre d’une seconde à l’autre. PUTAIN NON !

J’étais vide ! J’allais le voir, je me montrais forte, pour Lui, mais j’étais vide. Hémiplégique à droite, les deux pieds cassés, le genou cassé, les côtes cassées, les poumons perforés, l’hématome au cerveau. La tension faisait des pics à 20… Et j’avais tellement peur ! Je voulais tellement Lui dire tellement de choses !

Après plus de 9 mois de patience, Il est rentré chez Lui le 11 juin. Il y a 10 jours en fait. Il marche. Enfin, Il sait se déplacer plutôt, parce que ses jambes sont encore fort fragiles. Il parle. Enfin, Il se fait comprendre.

Mais Il est toujours le même, et ça, c’est bon ! C’est un sacré caractère, mon Papa. Mais c’est Lui, et c’est comme ça qu’on l’aime. C’est un Homme de respect. Un Homme, un Vrai ! Mon Papa !

Bien sûr, parfois, Il m’a énervé. Parce qu’on est différents. Lui, Il est terre à terre, noir c’est noir et blanc c’est blanc. Il ne rêve pas, Papa. Il n’est pas romantique, Il n’est pas tout mielleux, Il n’est pas tout pataud… Il est autoritaire. Il est exigeant. Il est énergique. C’est un bon vivant. Il aime la vie. J’ai eu tellement peur qu’Il ne veuille plus l’aimer après ce qu’elle lui avait fait, mais Il est fort mon Papa ! C’est un battant ! Un persévérant ! Il ne baisse pas les bras !

Il est mon Père, le Seul. L’unique. Et je suis tellement fière de ça. Je l’aime plus que tout ! Je suis tellement heureuse d’avoir supporté ses grandes morales. Ca me saoulait, pourtant, à l’époque. Mais j’ai grandi. J’ai appris à peser les paroles des adultes. J’ai appris à les comprendre. J’ai grandi sous ses principes et je suis fière de ce qu’Il a fait de moi.

Mon Papa, Il est mon Dieu, mon Héros ! Chaque jour de ma vie, il y a toujours un moment où je pense à Lui et où je parle de Lui. De sa vie. De ses souvenirs. Ou des nôtres. Mais de Lui !

Après son accident, j’ai pris conscience de beaucoup de choses concernant les parents… Ils sont les seuls qu’on aime autant ! Qu’on aime de cette façon là.

Bien à vous.

Malika